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Et si une femme devenait prêtre ?

Émotion en Suisse ! Jacqueline Straub, 24 ans, étudiante en doctorat de droit canonique, a décidé qu’elle avait la vocation. « Je suis appelée, a-t-elle déclaré à la Neue Zürcher Zeitung (principal quotidien zurichois), si Dieu avait voulu que je sois nonne ou assistante d’un curé, Il m’aurait dirigée dans cette direction ». Ce n’est pas la première fois que le cas se présente. En 2002, 10 femmes avaient été ordonnées à bord d’un bateau sur le Danube, puis aussitôt excommuniées. Straub, toutefois, ne veut pas de schisme ; elle veut – ni plus, ni moins – un changement de la règle ecclésiastique : « toute discrimination contrevient à la volonté de dieu. Qui peut se permettre de dire que Dieu n’appelle que des hommes ? ». Soutenue par un professeur de droit de l’université de Bâle, Quirin Weber, auteur d’un livre intitulé « Die unheilige Discriminierung » ( La discrimination impie ), elle pourrait bien intenter un procès à l’Église. Comme le dit Weber, il existe un « conflit de droits », un conflit entre le droit canonique et le droit positif suisse ; ce dernier exigeant la « Gleichstellung », la « parité hommes-femmes ». L’Église, comme n’importe quelle autre personne morale, est tenue de respecter la loi. Demeure évidemment la question de fond : pourquoi les femmes ne peuvent-elles avoir accès au sacerdoce ? Cette question dans l’Église primitive ne s’est jamais posée : il allait de soi que la prêtrise était réservée aux hommes. Dans les Actes des apôtres (Actes I, 15), Pierre procède à l’élection du remplaçant de Judas pour que le nombre 12 (celui des tribus d’Israël) soit maintenu. Il s’adresse aux candidats potentiels, 120. Parmi eux, rien que des hommes ! Aucune femme, alors qu’il y en avait parmi les disciples du Christ (Marie-Madeleine entre autres). Alors pourquoi ? Les réponses données déconcertent par leur naïveté, voire leur absurdité. Exemples : Édith Stein, éminente théologienne juive convertie au catholicisme et morte à Auschwitz en 1942, a écrit un ouvrage dont le titre même dit tout : « Beruf des Mannes und der Frau nach Natur und Gnadeordnung » ( La vocation de l’homme et la femme selon la nature et l’ordre de la grâce ). A l’homme, les décisions et l’action ; à la femme, le réconfort et l’édification, à l’image de la Vierge Marie… Une théologienne contemporaine, Laetitia Calmeyn, professeur au Collège des Bernardins, à Paris, ira jusqu’à prétendre – sans rire ! – « qu’il y a davantage de différences entre l’homme et la femme, qu’entre l’espèce humaine et les animaux » (sic !)… la palme revenant sans doute à André Frossard, célèbre polémiste catholique du Figaro, lequel, dans une interview consécutive à la parution de son essai, «  N’ayez pas peur  », en 1982, donne l’explication suivante : « à la messe, le célébrant transforme le vin en sang. Les femmes ne sont pas faites pour répandre le sang, ni même pour commémorer un sacrifice sanglant. Elles sont faites pour donner la vie. Voilà pourquoi elles ne peuvent pas être prêtres ». On reste sans voix… La raison pour laquelle Pierre n’imaginait pas de proposer à une femme de succéder à Judas est pourtant simple : le sacerdoce christique s’inscrit dans la continuité du sacerdoce lévitique : de même qu’aucune femme ne pouvait officier dans le Temple, de même aucune ne peut célébrer l’eucharistie. La Torah décrit amplement l’impureté rituelle féminine. La menstruation (Lev 15, 19-20) : « la femme, qui aura un flux de sang, restera sept jours dans son impureté. Quiconque la touchera sera impur jusqu’au soir. Tout lit sur lequel elle couchera  pendant son impureté sera impur et tout objet sur lequel elle s’assiéra sera impur ». Idem pour l’accouchement (Lev 12, 1-5) : « si une femme conçoit une semence ; si elle a mis au monde un mâle, elle doit être impure pendant sept jours. Elle ne touchera à aucune chose sainte et elle n’entrera pas dans un lieu saint jusqu’à ce que soient accomplis les jours de sa purification ». Le précepte fut suivi par l’Église : un nom moins connu de la Chandeleur (2 février) n’est autre que « fête de purification de la Vierge ». Le huitième jour après sa naissance, Jésus était présenté au Temple, circoncis, et Marie – enfin purifiée ! – pouvait à nouveau y pénétrer. Pendant longtemps eurent lieu pareilles cérémonies de réintégration ecclésiale, que l’on dénommait « relevailles » : les nouvelles mères pouvaient à nouveau rentrer dans une église sans la souiller. On le voit, cette prescription est caduque. Même dans le Judaïsme, le mouvement libéral a ordonné des femmes rabbins. Et qui, de nos jours, interdirait à une croyante qui a ses règles l’accès à un sanctuaire ? Le seul et unique empêchement féminin au sacerdoce est donc levé. Théologiquement parlant, une femme peut devenir prêtre. Il n’y a plus guère, comme obstacle, que… les mentalités !

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